IMAGES CONCRÈTES DE L’INSOLITE
Tel s’intitulait le premier recueil de Max Bucaille, le seul où il s’avouait poète, puisque trois poèmes y figurent. Plus de vingt ans après, qui furent pour ce chirurgien du mystère vingt années d’expériences, bien qu’il ait renoncé définitivement à la poésie des mots, il n »y a rien à retrancher ou à ajouter à ce titre-programme. C’est qu’il s’agissait bien d’un but à atteindre, de l’axe de fidélité sans lequel toute vie s’éparpille. En le poursuivant sans cesse, en s’y maintenant sans répit, Bucaille est parvenu à nous donner réellement de l’insolite une image tangible qui ne doit rien qu’à lui même. Une image, que dis-je? un flot d’images dont la source s’annonce intarissable, pour notre joie.
Trois étapes à cette aventure. D’abord les collages où il s’obstina longtemps, comme pour prospecter dans ses moindres recoins un filon trop tôt abandonné par des devanciers plus pressés. Puis, par besoin sans doute d’une manière vivante, arrachée à la terre même, car il y a du mineur et du bûcheron dans cet homme trapu et inquiet, du sourcier aussi et du sorcier bien sûr, il prend à la forêt ses racines déchiquetées qu’il transforme en extraordinaires objets. Aujourd’hui c’est la couleur enfin retrouvée, car Max Bucaille ne fut-il pas toujours, n’a-t-il pas toujours été peintre, mais un peintre heureusement en dehors de la peinture….
A travers ces trois étapes, et sans en abandonner aucune, il ne cesse de satisfaire ce goût du merveilleux qui est l’âme de la nature humaine.
Mathématicien à la recherche d’une expression poétique du monde où n’entrerait aucun calcul, aucune intention, son travail entêté et patient hors des compromis de l’Art véreux dans les deux sens du mot) lui a fait découvrir la baguette magique qui permet d’écouter au sein des nuées crépusculaires les cris de la fée, comme de pénétrer au cœur des arbres pour y capter le secret des aigles calcinés. Et maintenant la forêt en flammes l’entoure, vue à l’envers dans l’œil trouble des étangs.
Marcel BEALU
1959